I. 389
aperçue la veille dans le jardin des Biaggi et je m'approchai de la voiture
pour jeter un coup d'oeil à l'intérieur. Les sièges étaient très abîmés,
défoncés pratiquement, le cuir complètement élimé par endroits, et une
entaille d'une dizaine de centimètres qui laissait émerger une sorte de
mousse synthétique jaunâtre crevait en son centre le revêtement du siège
du conducteur. Sur la banquette arrière, une veste froissée reposait parmi
un désordre de vieux journaux et de matériel de pêche, de cannes et de palan-
grottes, de plombs, de sachets d'hameçons et de bouteilles en plastique.
Il avait plu cette nuit et, tout près de là, sur le sol de la place, je
remarquai une grande flaque d'eau immobile dans la pénombre, qui reflétait
faiblement les arbres et les toits des maisons avoisinantes, tandis qu'au
centre de la flaque, je me rendis compte que miroitait le profil argenté
de la vieille Mercedes grise. A côté du reflet de la voiture cependant,
par je ne sais quel jeu de perspectives et d'angle mort, il n'y avait aucune
trace de ma présence.
Je m'éloignai lentement dans l'obscurité, laissant la grande flaque d'eau
derrière moi sur la place, et je pris la direction du port, où quelques
barques tanguaient imperceptiblement le long de leurs amarres dans un bruit
régulier de clapotement très doux et de grincement de cordes. Je m'assis
sur la petite jetée de pierres à côté d'un amas de filets de pêche enche-
vêtrés dont le réseau serré de mailles recelait encore d'infimes fragments
de poissons décomposés, et demeurai là dans la pénombre à regarder le jour
se lever devant moi sur la baie de Sasuelo. La mer était très sombre encore,
qui frémissait à peine à l'horizon, et, peu à peu, à mesure que le soleil
s'élevait de l'autre côté de la montagne, éclairant déjà le versant opposé
où se devinait un halo de clarté isolée et lointaine, les barques du port
qui se balançaient doucement sous mes yeux commençaient à prendre des teintes
rousses et orangées, tandis que les contours des quais, tout autour, des
filets de pêche et des rochers, des arbres et des fleurs, devenaient peu à peu
plus fermes et plus précis et finissaient lentement de se défaire de l'empreinte
bleutée de la nuit.
C'est ce matin-là, peu avant le lever du soleil, que j'avais découvert
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aperçue la veille dans le jardin des Biaggi et je m'approchai de la voiture
pour jeter un coup d'oeil à l'intérieur. Les sièges étaient très abîmés,
défoncés pratiquement, le cuir complètement élimé par endroits, et une
entaille d'une dizaine de centimètres qui laissait émerger une sorte de
mousse synthétique jaunâtre crevait en son centre le revêtement du siège
du conducteur. Sur la banquette arrière, une veste froissée reposait parmi
un désordre de vieux journaux et de matériel de pêche, de cannes et de palan-
grottes, de plombs, de sachets d'hameçons et de bouteilles en plastique.
Il avait plu cette nuit et, tout près de là, sur le sol de la place, je
remarquai une grande flaque d'eau immobile dans la pénombre, qui reflétait
faiblement les arbres et les toits des maisons avoisinantes, tandis qu'au
centre de la flaque, je me rendis compte que miroitait le profil argenté
de la vieille Mercedes grise. A côté du reflet de la voiture cependant,
par je ne sais quel jeu de perspectives et d'angle mort, il n'y avait aucune
trace de ma présence.
Je m'éloignai lentement dans l'obscurité, laissant la grande flaque d'eau
derrière moi sur la place, et je pris la direction du port, où quelques
barques tanguaient imperceptiblement le long de leurs amarres dans un bruit
régulier de clapotement très doux et de grincement de cordes. Je m'assis
sur la petite jetée de pierres à côté d'un amas de filets de pêche enche-
vêtrés dont le réseau serré de mailles recelait encore d'infimes fragments
de poissons décomposés, et demeurai là dans la pénombre à regarder le jour
se lever devant moi sur la baie de Sasuelo. La mer était très sombre encore,
qui frémissait à peine à l'horizon, et, peu à peu, à mesure que le soleil
s'élevait de l'autre côté de la montagne, éclairant déjà le versant opposé
où se devinait un halo de clarté isolée et lointaine, les barques du port
qui se balançaient doucement sous mes yeux commençaient à prendre des teintes
rousses et orangées, tandis que les contours des quais, tout autour, des
filets de pêche et des rochers, des arbres et des fleurs, devenaient peu à peu
plus fermes et plus précis et finissaient lentement de se défaire de l'empreinte
bleutée de la nuit.
C'est ce matin-là, peu avant le lever du soleil, que j'avais découvert
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aperçue la veille dans le jardin des Biaggi et je m'approchai de la voiture
pour jeter un coup d'oeil à l'intérieur. Les sièges étaient très abîmés,
défoncés pratiquement, le cuir complètement élimé par endroits, et une
entaille d'une dizaine de centimètres qui laissait émerger une sorte de
mousse synthétique jaunâtre crevait en son centre le revêtement du siège
du conducteur. Sur la banquette arrière, une veste froissée reposait parmi
un désordre de vieux journaux et de matériel de pêche, de cannes et de palan-
grottes, de plombs, de sachets d'hameçons et de bouteilles en plastique.
Il avait plu cette nuit et, tout près de là, sur le sol de la place, je
remarquai une grande flaque d'eau immobile dans la pénombre, qui reflétait
faiblement les arbres et les toits des maisons avoisinantes, tandis qu'au
centre de la flaque, je me rendis compte que miroitait le profil argenté
de la vieille Mercedes grise. A côté du reflet de la voiture cependant,
par je ne sais quel jeu de perspectives et d'angle mort, il n'y avait aucune
trace de ma présence.
Je m'éloignai lentement dans l'obscurité, laissant la grande flaque d'eau
derrière moi sur la place, et je pris la direction du port, où quelques
barques tanguaient imperceptiblement le long de leurs amarres dans un bruit
régulier de clapotement très doux et de grincement de cordes. Je m'assis
sur la petite jetée de pierres à côté d'un amas de filets de pêche enche-
vêtrés dont le réseau serré de mailles recelait encore d'infimes fragments
de poissons décomposés, et demeurai là dans la pénombre à regarder le jour
se lever devant moi sur la baie de Sasuelo. La mer était très sombre encore,
qui frémissait à peine à l'horizon, et, peu à peu, à mesure que le soleil
s'élevait de l'autre côté de la montagne, éclairant déjà le versant opposé
où se devinait un halo de clarté isolée et lointaine, les barques du port
qui se balançaient doucement sous mes yeux commençaient à prendre des teintes
rousses et orangées, tandis que les contours des quais, tout autour, des
filets de pêche et des rochers, des arbres et des fleurs, devenaient peu à peu
plus fermes et plus précis et finissaient lentement de se défaire de l'empreinte
bleutée de la nuit.
C'est ce matin-là, peu avant le lever du soleil, que j'avais découvert
I. 389
aperçue la veille dans le jardin des Biaggi et je m'approchai de la voiture
pour jeter un coup d'oeil à l'intérieur. Les sièges étaient très abîmés,
défoncés pratiquement, le cuir complètement élimé par endroits, et une
entaille d'une dizaine de centimètres qui laissait émerger une sorte de
mousse synthétique jaunâtre crevait en son centre le revêtement du siège
du conducteur. Sur la banquette arrière, une veste froissée reposait parmi
un désordre de vieux journaux et de matériel de pêche, de cannes et de palan-
grottes, de plombs, de sachets d'hameçons et de bouteilles en plastique.
Il avait plu cette nuit et, tout près de là, sur le sol de la place, je
remarquai une grande flaque d'eau immobile dans la pénombre, qui reflétait
faiblement les arbres et les toits des maisons avoisinantes, tandis qu'au
centre de la flaque, je me rendis compte que miroitait le profil argenté
de la vieille Mercedes grise. A côté du reflet de la voiture cependant,
par je ne sais quel jeu de perspectives et d'angle mort, il n'y avait aucune
trace de ma présence.
Je m'éloignai lentement dans l'obscurité, laissant la grande flaque d'eau
derrière moi sur la place, et je pris la direction du port, où quelques
barques tanguaient imperceptiblement le long de leurs amarres dans un bruit
régulier de clapotement très doux et de grincement de cordes. Je m'assis
sur la petite jetée de pierres à côté d'un amas de filets de pêche enche-
vêtrés dont le réseau serré de mailles recelait encore d'infimes fragments
de poissons décomposés, et demeurai là dans la pénombre à regarder le jour
se lever devant moi sur la baie de Sasuelo. La mer était très sombre encore,
qui frémissait à peine à l'horizon, et, peu à peu, à mesure que le soleil
s'élevait de l'autre côté de la montagne, éclairant déjà le versant opposé
où se devinait un halo de clarté isolée et lointaine, les barques du port
qui se balançaient doucement sous mes yeux commençaient à prendre des teintes
rousses et orangées, tandis que les contours des quais, tout autour, des
filets de pêche et des rochers, des arbres et des fleurs, devenaient peu à peu
plus fermes et plus précis et finissaient lentement de se défaire de l'empreinte
bleutée de la nuit.
C'est ce matin-là, peu avant le lever du soleil, que j'avais découvert