II. 114
bien droit sur son siège et regardait devant lui avec une intense attention,
petite figure de proue immobile à l'avant du convoi qui faisait tomber
son phoque sur le trottoir de temps à autre et me regardait le ramasser
avec un mélange d'indifférence foncière et de curiosité bon enfant. Dans
le supermarché, tandis que j'avançais avec la poussette entre les rayons,
faisant un premier repérage succinct de ce que j'allais acheter, je le
voyais tendre son petit bras dans le vide pour essayer de s'emparer de tout
ce qui passait à sa portée, et j'étais obligé de manoeuvrer sa poussette
avec adresse pour l'éloigner de justesse des marchandises qu'il s'apprêtait
à prendre dans les rayons. Un peu décontenancé par mes brusques accélérations,
il était rabattu en arrière danssla poussetteavec son phoque et mettait
un moment avant de se redresser, ce qui ne l'empêchait pas, une fois remis
d'aplomb, de tendre le bras à nouveau pour essayer de jeter son petit dévolu
sur quelque produit entreposé à sa hauteur. Finalement, pour pouvoir faire
mes courses tranquillement, je revins vers la caisse et, m'adressant à une
vieille dame qui faisait la queue, je lui demandai si elle aurait l'amabilité
de bien vouloir me le garder quelques instants. S'il pleure, vous lui donnez
un biscuit, hein, lui dis-je en partant, et je lui tendis le paquet de biscuits
de mon fils. Elle prit le paquet de biscuits, le regarda. Mais s'il ne pleure
pas, pas de biscuit, hein, dis-jeen revenant. Pas de pleurs, pas de biscuits, hein, nous
sommes d'accord ? Oui, monsieur, dit-elle. Merci, madame, dis-je, et je
m'éloignai (je me méfiais).
Alors, il a pleuré ? dis-je en revenant. Non, non, pas du tout, dit-elle.
Oh, -- un tout petit peu, dit-elle en voyant mon regard sévère posé sur le
biscuit que mangeait mon fils. Ecoutez, madame, dis-je d'une voix blanche.
Elle me regardait, un peu mal à l'aise, se tourna vers mon fils pour lui
caresser la joue. Il vous ressemble, n'est-ce pas, dit-elle. Ecoutez, madame,
dis-je. Les yeux, les mêmes, dit-elle. Quant à mon fils, lui, il écoutait
en souriant d'aise, penché en arrière dans sa poussette, et ses yeux allaient
de mon visage à celui de la dame. Avec son biscuit. Méfie-toi, lui dis-je.
Bon. J'expliquai calmement à la dame que ce n'était ni par raideur d'esprit
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bien droit sur son siège et regardait devant lui avec une intense attention,
petite figure de proue immobile à l'avant du convoi qui faisait tomber
son phoque sur le trottoir de temps à autre et me regardait le ramasser
avec un mélange d'indifférence foncière et de curiosité bon enfant. Dans
le supermarché, tandis que j'avançais avec la poussette entre les rayons,
faisant un premier repérage succinct de ce que j'allais acheter, je le
voyais tendre son petit bras dans le vide pour essayer de s'emparer de tout
ce qui passait à sa portée, et j'étais obligé de manoeuvrer sa poussette
avec adresse pour l'éloigner de justesse des marchandises qu'il s'apprêtait
à prendre dans les rayons. Un peu décontenancé par mes brusques accélérations,
il était rabattu en arrière danssa poussetteavec son phoque et mettait
un moment avant de se redresser, ce qui ne l'empêchait pas, une fois remis
d'aplomb, de tendre le bras à nouveau pour essayer de jeter son petit dévolu
sur quelque produit entreposé à sa hauteur. Finalement, pour pouvoir faire
mes courses tranquillement, je revins vers la caisse et, m'adressant à une
vieille dame qui faisait la queue, je lui demandai si elle aurait l'amabilité
de bien vouloir me le garder quelques instants. S'il pleure, vous lui donnez
un biscuit, hein, lui dis-je en partant, et je lui tendis le paquet de biscuits
de mon fils. Elle prit le paquet de biscuits, le regarda. Mais s'il ne pleure
pas, pas de biscuit, hein, dis-je. Pas de pleur, pas de biscuits, hein, nous
sommes d'accord ? Oui, monsieur, dit-elle. Merci, madame, dis-je, et je
m'éloignai (je me méfiais).
Alors, il a pleuré ? dis-je en revenant. Non, non, pas du tout, dit-elle.
Oh, -- un tout petit peu, dit-elle en voyant mon regard sévère posé sur le
biscuit que mangeait mon fils. Ecoutez, madame, dis-je d'une voix blanche.
Elle me regardait, un peu mal à l'aise, se tourna vers mon fils pour lui
caresser la joue. Il vous ressemble, n'est-ce pas, dit-elle. Ecoutez, madame,
dis-je. Les yeux, les mêmes, dit-elle. Quant à mon fils, lui, il écoutait
en souriant d'aise, penché en arrière dans sa poussette, et ses yeux allaient
de mon visage à celui de la dame. Avec son biscuit. Méfie-toi, lui dis-je.
Bon. J'expliquai calmement à la dame que ce n'était ni par raideur d'esprit
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bien droit sur son siège et regardait devant lui avec une intense attention,
petite figure de proue immobile à l'avant du convoi qui faisait tomber
son phoque sur le trottoir de temps à autre et me regardait le ramasser
avec un mélange d'indifférence foncière et de curiosité bon enfant. Dans
le supermarché, tandis que j'avançais avec la poussette entre les rayons,
faisant un premier repérage succinct de ce que j'allais acheter, je le
voyais tendre son petit bras dans le vide pour essayer de s'emparer de tout
ce qui passait à sa portée, et j'étais obligé de manoeuvrer sa poussette
avec adresse pour l'éloigner de justesse des marchandises qu'il s'apprêtait
à prendre dans les rayons. Un peu décontenancé par mes brusques accélérations,
il était rabattu en arrière danssla poussetteavec son phoque et mettait
un moment avant de se redresser, ce qui ne l'empêchait pas, une fois remis
d'aplomb, de tendre le bras à nouveau pour essayer de jeter son petit dévolu
sur quelque produit entreposé à sa hauteur. Finalement, pour pouvoir faire
mes courses tranquillement, je revins vers la caisse et, m'adressant à une
vieille dame qui faisait la queue, je lui demandai si elle aurait l'amabilité
de bien vouloir me le garder quelques instants. S'il pleure, vous lui donnez
un biscuit, hein, lui dis-je en partant, et je lui tendis le paquet de biscuits
de mon fils. Elle prit le paquet de biscuits, le regarda. Mais s'il ne pleure
pas, pas de biscuit, hein, dis-jeen revenant. Pas de pleurs, pas de biscuits, hein, nous
sommes d'accord ? Oui, monsieur, dit-elle. Merci, madame, dis-je, et je
m'éloignai (je me méfiais).
Alors, il a pleuré ? dis-je en revenant. Non, non, pas du tout, dit-elle.
Oh, -- un tout petit peu, dit-elle en voyant mon regard sévère posé sur le
biscuit que mangeait mon fils. Ecoutez, madame, dis-je d'une voix blanche.
Elle me regardait, un peu mal à l'aise, se tourna vers mon fils pour lui
caresser la joue. Il vous ressemble, n'est-ce pas, dit-elle. Ecoutez, madame,
dis-je. Les yeux, les mêmes, dit-elle. Quant à mon fils, lui, il écoutait
en souriant d'aise, penché en arrière dans sa poussette, et ses yeux allaient
de mon visage à celui de la dame. Avec son biscuit. Méfie-toi, lui dis-je.
Bon. J'expliquai calmement à la dame que ce n'était ni par raideur d'esprit
II. 114
bien droit sur son siège et regardait devant lui avec une intense attention,
petite figure de proue immobile à l'avant du convoi qui faisait tomber
son phoque sur le trottoir de temps à autre et me regardait le ramasser
avec un mélange d'indifférence foncière et de curiosité bon enfant. Dans
le supermarché, tandis que j'avançais avec la poussette entre les rayons,
faisant un premier repérage succinct de ce que j'allais acheter, je le
voyais tendre son petit bras dans le vide pour essayer de s'emparer de tout
ce qui passait à sa portée, et j'étais obligé de manoeuvrer sa poussette
avec adresse pour l'éloigner de justesse des marchandises qu'il s'apprêtait
à prendre dans les rayons. Un peu décontenancé par mes brusques accélérations,
il était rabattu en arrière danssa poussetteavec son phoque et mettait
un moment avant de se redresser, ce qui ne l'empêchait pas, une fois remis
d'aplomb, de tendre le bras à nouveau pour essayer de jeter son petit dévolu
sur quelque produit entreposé à sa hauteur. Finalement, pour pouvoir faire
mes courses tranquillement, je revins vers la caisse et, m'adressant à une
vieille dame qui faisait la queue, je lui demandai si elle aurait l'amabilité
de bien vouloir me le garder quelques instants. S'il pleure, vous lui donnez
un biscuit, hein, lui dis-je en partant, et je lui tendis le paquet de biscuits
de mon fils. Elle prit le paquet de biscuits, le regarda. Mais s'il ne pleure
pas, pas de biscuit, hein, dis-je. Pas de pleur, pas de biscuits, hein, nous
sommes d'accord ? Oui, monsieur, dit-elle. Merci, madame, dis-je, et je
m'éloignai (je me méfiais).
Alors, il a pleuré ? dis-je en revenant. Non, non, pas du tout, dit-elle.
Oh, -- un tout petit peu, dit-elle en voyant mon regard sévère posé sur le
biscuit que mangeait mon fils. Ecoutez, madame, dis-je d'une voix blanche.
Elle me regardait, un peu mal à l'aise, se tourna vers mon fils pour lui
caresser la joue. Il vous ressemble, n'est-ce pas, dit-elle. Ecoutez, madame,
dis-je. Les yeux, les mêmes, dit-elle. Quant à mon fils, lui, il écoutait
en souriant d'aise, penché en arrière dans sa poussette, et ses yeux allaient
de mon visage à celui de la dame. Avec son biscuit. Méfie-toi, lui dis-je.
Bon. J'expliquai calmement à la dame que ce n'était ni par raideur d'esprit