I. 213
barquessans que jamais pourtant le courant ne l'emportât au large. Son
séjour prolongé dans l'eau ne semblait pas encore avoir altéré son état,
et, immobile à la surfaceà quelques mètres de moi, le poil noir et mouillé
de son dos luisant sous les derniers rayons du soleil, il donnait l'impression
d'être debout dans l'eau, en suspension, les pattes recroquevillées dans le
vide pendant entre deux eaux. Ses fines moustaches étaient encore dressées,
raides et pathétiques, et, hors de sa gueule, émergeant à peinehors
de l'eau et complètement désagrégée à présent, décarcassée et les yeux
arrachés, pendait la tête de poisson décomposée dont les restes épars et
rosâtres demeuraient accrochés au fragment de fil de pêche.
Je reprends. La première idée qui m'était venue, quand j'avais découvert
le chat mort dans le port, était que la tête de poisson décomposée qui pendait
hors de sa gueule était ce qui restait d'un appât de ligne morte qui, bercé
par les vagues et porté par des courants contradictoires, était revenu
flotter à proximité du bord de la jetée de sorte que le chat était tombé
accidentellement dans le port en voulant s'en emparer. Rien en effet ne
pouvait mettre en doute qu'il se fût agi d'un accident, et si plusieurs
choses me parurent troublantes par la suite, tout laissaitme semblait-il <d1>
à penser à ce moment-là que lorsque j'avais découvert le chat mort dans le
port, c'était la première fois que je le voyais. Car je n'avais [d1]évidemmentbien sûr
jamais vu ce chat auparavant, selon toute vraisemblance, une seule fois
peut-être, mais sans doute sans témoin, qui se promenait à la tombée de la
nuit sur le terre-plein meuble et relativement solide que les algues séchées
formaient dans l'enceinte du port --- et qui s'était enfui dès que j'avais
tenté de l'approcher.
En me rendant dans le port, le lendemain matin, je remarquai que la
vieille Mercedes grise n'était plus sur la place du village, et je ne
parvenais pas à savoir depuis quand elle était partie car dans mon souvenir
elle était restée toute la journée d'hier garée sur la place, je me rappelais
même l'avoir encore vue la veille à onze heures du soir quand j'étais
sorti de l'hôtel. Le temps était couvert ce matin, quelques grands nuages
I. 213
barquessans que jamais pourtant le courant ne l'emportât au large. Son
séjour prolongé dans l'eau ne semblait pas encore avoir altéré son état,
et, immobile à la surfaceà quelques mètres de moi, le poil noir et mouillé
de son dos luisant sous les derniers rayons du soleil, il donnait l'impression
d'être debout dans l'eau, en suspension, les pattes recroquevillées dans le
vide pendant entre deux eaux. Ses fines moustaches étaient encore dressées,
raides et pathétiques, et, hors de sa gueule, émergeant à peinehors
de l'eau et complètement désagrégée à présent, décarcassée et les yeux
arrachés, pendait la tête de poisson décomposée dont les restes épars et
rosâtres demeuraient accrochés au fragment de fil de pêche.
Je reprends. La première idée qui m'était venue, quand j'avais découvert
le chat mort dans le port, était que la tête de poisson décomposée qui pendait
hors de sa gueule était ce qui restait d'un appât de ligne morte qui, bercé
par les vagues et porté par des courants contradictoires, était revenu
flotter à proximité du bord de la jetée de sorte que le chat était tombé
accidentellement dans le port en voulant s'en emparer. Rien en effet ne
pouvait mettre en doute qu'il se fût agi d'un accident, et si plusieurs
choses me parurent troublantes par la suite, tout laissaitme semblait-il
à penser à ce moment-là que lorsque j'avais découvert le chat mort dans le
port, c'était la première fois que je le voyais. Car je n'avais évidemment
jamais vu ce chat auparavant, selon toute vraisemblance, une seule fois
peut-être, mais sans doute sans témoin, qui se promenait à la tombée de la
nuit sur le terre-plein meuble et relativement solide que les algues séchées
formaient dans l'enceinte du port --- et qui s'était enfui dès que j'avais
tenté de l'approcher.
En me rendant dans le port, le lendemain matin, je remarquai que la
vieille Mercedes grise n'était plus sur la place du village, et je ne
parvenais pas à savoir depuis quand elle était partie car dans mon souvenir
elle était restée toute la journée d'hier garée sur la place, je me rappelais
même l'avoir encore vue la veille à onze heures du soir quand j'étais
sorti de l'hôtel. Le temps était couvert ce matin, quelques grands nuages
I. 213
barquessans que jamais pourtant le courant ne l'emportât au large. Son
séjour prolongé dans l'eau ne semblait pas encore avoir altéré son état,
et, immobile à la surfaceà quelques mètres de moi, le poil noir et mouillé
de son dos luisant sous les derniers rayons du soleil, il donnait l'impression
d'être debout dans l'eau, en suspension, les pattes recroquevillées dans le
vide pendant entre deux eaux. Ses fines moustaches étaient encore dressées,
raides et pathétiques, et, hors de sa gueule, émergeant à peinehors
de l'eau et complètement désagrégée à présent, décarcassée et les yeux
arrachés, pendait la tête de poisson décomposée dont les restes épars et
rosâtres demeuraient accrochés au fragment de fil de pêche.
Je reprends. La première idée qui m'était venue, quand j'avais découvert
le chat mort dans le port, était que la tête de poisson décomposée qui pendait
hors de sa gueule était ce qui restait d'un appât de ligne morte qui, bercé
par les vagues et porté par des courants contradictoires, était revenu
flotter à proximité du bord de la jetée de sorte que le chat était tombé
accidentellement dans le port en voulant s'en emparer. Rien en effet ne
pouvait mettre en doute qu'il se fût agi d'un accident, et si plusieurs
choses me parurent troublantes par la suite, tout laissaitme semblait-il <d1>
à penser à ce moment-là que lorsque j'avais découvert le chat mort dans le
port, c'était la première fois que je le voyais. Car je n'avais [d1]évidemmentbien sûr
jamais vu ce chat auparavant, selon toute vraisemblance, une seule fois
peut-être, mais sans doute sans témoin, qui se promenait à la tombée de la
nuit sur le terre-plein meuble et relativement solide que les algues séchées
formaient dans l'enceinte du port --- et qui s'était enfui dès que j'avais
tenté de l'approcher.
En me rendant dans le port, le lendemain matin, je remarquai que la
vieille Mercedes grise n'était plus sur la place du village, et je ne
parvenais pas à savoir depuis quand elle était partie car dans mon souvenir
elle était restée toute la journée d'hier garée sur la place, je me rappelais
même l'avoir encore vue la veille à onze heures du soir quand j'étais
sorti de l'hôtel. Le temps était couvert ce matin, quelques grands nuages
I. 213
barquessans que jamais pourtant le courant ne l'emportât au large. Son
séjour prolongé dans l'eau ne semblait pas encore avoir altéré son état,
et, immobile à la surfaceà quelques mètres de moi, le poil noir et mouillé
de son dos luisant sous les derniers rayons du soleil, il donnait l'impression
d'être debout dans l'eau, en suspension, les pattes recroquevillées dans le
vide pendant entre deux eaux. Ses fines moustaches étaient encore dressées,
raides et pathétiques, et, hors de sa gueule, émergeant à peinehors
de l'eau et complètement désagrégée à présent, décarcassée et les yeux
arrachés, pendait la tête de poisson décomposée dont les restes épars et
rosâtres demeuraient accrochés au fragment de fil de pêche.
Je reprends. La première idée qui m'était venue, quand j'avais découvert
le chat mort dans le port, était que la tête de poisson décomposée qui pendait
hors de sa gueule était ce qui restait d'un appât de ligne morte qui, bercé
par les vagues et porté par des courants contradictoires, était revenu
flotter à proximité du bord de la jetée de sorte que le chat était tombé
accidentellement dans le port en voulant s'en emparer. Rien en effet ne
pouvait mettre en doute qu'il se fût agi d'un accident, et si plusieurs
choses me parurent troublantes par la suite, tout laissaitme semblait-il
à penser à ce moment-là que lorsque j'avais découvert le chat mort dans le
port, c'était la première fois que je le voyais. Car je n'avais évidemment
jamais vu ce chat auparavant, selon toute vraisemblance, une seule fois
peut-être, mais sans doute sans témoin, qui se promenait à la tombée de la
nuit sur le terre-plein meuble et relativement solide que les algues séchées
formaient dans l'enceinte du port --- et qui s'était enfui dès que j'avais
tenté de l'approcher.
En me rendant dans le port, le lendemain matin, je remarquai que la
vieille Mercedes grise n'était plus sur la place du village, et je ne
parvenais pas à savoir depuis quand elle était partie car dans mon souvenir
elle était restée toute la journée d'hier garée sur la place, je me rappelais
même l'avoir encore vue la veille à onze heures du soir quand j'étais
sorti de l'hôtel. Le temps était couvert ce matin, quelques grands nuages