I. 310
sur la plage, et je lui tendais à mesure tout ce qu'il convoitait, des
morceaux de bois morts rejetés par la marée qui avaient pris des formes
de talismans bizarres, des galets, des brindilles, une vieille sandale en
plastique aussi, bien grosse et transparente, dont il embrassa fougueusement
la semelle pleine de sable en poussant des petits tayauts d'allégresse.
De retour dans la chambre d'hôtel, je passais des heures allongé sur
le lit à barreaux qui occupait le centre de la pièce. Je ne faisais rien,
je n'attendais rien de particulier. Le murs, autour de moi, étaient humides
et sales, tapissés d'un vieux tissu orange assorti aux fleurs sombres
du couvre-lit et des rideaux. J'avais installé le lit de voyage de mon fils
près de moi dans la chambre, un petit lit pliant assez pratique qui consistait
en un assemblage de tubes métalliques jaunes et creux qui s'emboîtaient
les uns dans les autres pour composer un châssis rectangulaire, sorte de
petit centre Pompidou qui se dressait là dans la pénombre de la chambre à
côté de mes sacs et de mes valises. Parfois, pendant que mon fils dormait
tranquillement, un petit bras replié en bouclier sur la poitrine et sa
vieille sandale en plastique trouvée sur la plage précieusement posée à
côté de lui au fond du lit, je me levais et faisais quelques pas en chaus-
settes dans la chambre. J'allais jusqu'à la fenêtre et, soulevant le rideau,
je regardais la route, une parcelle de route déserte qui bordait un enclos
livré aux mauvaises herbes, où, au loin, à côté d'un figuier désséché qui
ployait sous le poids de ses branches mortes, un âne solitaire broutait
du fenouil entre divers détritus, des vieilles planches, des pneus abandonnés,
une barque retournée qui pourrissait sur place.
J'étais venu à Sasuelo pour voir les Biaggi, qui s'étaient retirés
dans le village quelques années plus tôt, et, jusqu'à présent, je ne m'étais
toujours pas manifesté auprès d'eux, évitant même les parages de leur
maison quand je me promenais dans le village. Le jour de mon arrivée déjà,
j'avais sans cesse repoussé le moment d'aller les trouver, j'étais resté
à l'hôtel sans leur faire signe, sans leur téléphoner. C'était pourtant
pour les voir que je m'étais rendu à Sasuelo --- même si je savais très
bien que les voir m'attristerait et me ferait du mal ---, et, un soir, après
avoir dîner dans la salle à manger de l'hôtel et tandis que mon fils
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sur la plage, et je lui tendais à mesure tout ce qu'il convoitait, des
morceaux de bois morts rejetés par la marée qui avaient pris des formes
de talismans bizarres, des galets, des brindilles, une vieille sandale en
plastique aussi, bien grosse et transparente, dont il embrassa fougueusement
la semelle pleine de sable en poussant des petits tayauts d'allégresse.
De retour dans la chambre d'hôtel, je passais des heures allongé sur
le lit à barreaux qui occupait le centre de la pièce. Je ne faisais rien,
je n'attendais rien de particulier. Le murs, autour de moi, étaient humides
et sales, tapissés d'un vieux tissu orange assorti aux fleurs sombres
du couvre-lit et des rideaux. J'avais installé le lit de voyage de mon fils
près de moi dans la chambre, un petit lit pliant assez pratique qui consistait
en un assemblage de tubes métalliques jaunes et creux qui s'emboîtaient
les uns dans les autres pour composer un châssis rectangulaire, sorte de
petit centre Pompidou qui se dressait là dans la pénombre de la chambre à
côté de mes sacs et de mes valises. Parfois, pendant que mon fils dormait
tranquillement, un petit bras replié en bouclier sur la poitrine et sa
vieille sandale en plastique trouvée sur la plage précieusement posée à
côté de lui au fond du lit, je me levais et faisais quelques pas en chaus-
settes dans la chambre. J'allais jusqu'à la fenêtre et, soulevant le rideau,
je regardais la route, une parcelle de route déserte qui bordait un enclos
livré aux mauvaises herbes, où, au loin, à côté d'un figuier désséché qui
ployait sous le poids de ses branches mortes, un âne solitaire broutait
du fenouil entre divers détritus, des vieilles planches, des pneus abandonnés,
une barque retournée qui pourrissait sur place.
J'étais venu à Sasuelo pour voir les Biaggi, qui s'étaient retirés
dans le village quelques années plus tôt, et, jusqu'à présent, je ne m'étais
toujours pas manifesté auprès d'eux, évitant même les parages de leur
maison quand je me promenais dans le village. Le jour de mon arrivée déjà,
j'avais sans cesse repoussé le moment d'aller les trouver, j'étais resté
à l'hôtel sans leur faire signe, sans leur téléphoner. C'était pourtant
pour les voir que je m'étais rendu à Sasuelo --- même si je savais très
bien que les voir m'attristerait et me ferait du mal ---, et, un soir, après
avoir dîner dans la salle à manger de l'hôtel et tandis que mon fils
I. 310
sur la plage, et je lui tendais à mesure tout ce qu'il convoitait, des
morceaux de bois morts rejetés par la marée qui avaient pris des formes
de talismans bizarres, des galets, des brindilles, une vieille sandale en
plastique aussi, bien grosse et transparente, dont il embrassa fougueusement
la semelle pleine de sable en poussant des petits tayauts d'allégresse.
De retour dans la chambre d'hôtel, je passais des heures allongé sur
le lit à barreaux qui occupait le centre de la pièce. Je ne faisais rien,
je n'attendais rien de particulier. Le murs, autour de moi, étaient humides
et sales, tapissés d'un vieux tissu orange assorti aux fleurs sombres
du couvre-lit et des rideaux. J'avais installé le lit de voyage de mon fils
près de moi dans la chambre, un petit lit pliant assez pratique qui consistait
en un assemblage de tubes métalliques jaunes et creux qui s'emboîtaient
les uns dans les autres pour composer un châssis rectangulaire, sorte de
petit centre Pompidou qui se dressait là dans la pénombre de la chambre à
côté de mes sacs et de mes valises. Parfois, pendant que mon fils dormait
tranquillement, un petit bras replié en bouclier sur la poitrine et sa
vieille sandale en plastique trouvée sur la plage précieusement posée à
côté de lui au fond du lit, je me levais et faisais quelques pas en chaus-
settes dans la chambre. J'allais jusqu'à la fenêtre et, soulevant le rideau,
je regardais la route, une parcelle de route déserte qui bordait un enclos
livré aux mauvaises herbes, où, au loin, à côté d'un figuier désséché qui
ployait sous le poids de ses branches mortes, un âne solitaire broutait
du fenouil entre divers détritus, des vieilles planches, des pneus abandonnés,
une barque retournée qui pourrissait sur place.
J'étais venu à Sasuelo pour voir les Biaggi, qui s'étaient retirés
dans le village quelques années plus tôt, et, jusqu'à présent, je ne m'étais
toujours pas manifesté auprès d'eux, évitant même les parages de leur
maison quand je me promenais dans le village. Le jour de mon arrivée déjà,
j'avais sans cesse repoussé le moment d'aller les trouver, j'étais resté
à l'hôtel sans leur faire signe, sans leur téléphoner. C'était pourtant
pour les voir que je m'étais rendu à Sasuelo --- même si je savais très
bien que les voir m'attristerait et me ferait du mal ---, et, un soir, après
avoir dîner dans la salle à manger de l'hôtel et tandis que mon fils
I. 310
sur la plage, et je lui tendais à mesure tout ce qu'il convoitait, des
morceaux de bois morts rejetés par la marée qui avaient pris des formes
de talismans bizarres, des galets, des brindilles, une vieille sandale en
plastique aussi, bien grosse et transparente, dont il embrassa fougueusement
la semelle pleine de sable en poussant des petits tayauts d'allégresse.
De retour dans la chambre d'hôtel, je passais des heures allongé sur
le lit à barreaux qui occupait le centre de la pièce. Je ne faisais rien,
je n'attendais rien de particulier. Le murs, autour de moi, étaient humides
et sales, tapissés d'un vieux tissu orange assorti aux fleurs sombres
du couvre-lit et des rideaux. J'avais installé le lit de voyage de mon fils
près de moi dans la chambre, un petit lit pliant assez pratique qui consistait
en un assemblage de tubes métalliques jaunes et creux qui s'emboîtaient
les uns dans les autres pour composer un châssis rectangulaire, sorte de
petit centre Pompidou qui se dressait là dans la pénombre de la chambre à
côté de mes sacs et de mes valises. Parfois, pendant que mon fils dormait
tranquillement, un petit bras replié en bouclier sur la poitrine et sa
vieille sandale en plastique trouvée sur la plage précieusement posée à
côté de lui au fond du lit, je me levais et faisais quelques pas en chaus-
settes dans la chambre. J'allais jusqu'à la fenêtre et, soulevant le rideau,
je regardais la route, une parcelle de route déserte qui bordait un enclos
livré aux mauvaises herbes, où, au loin, à côté d'un figuier désséché qui
ployait sous le poids de ses branches mortes, un âne solitaire broutait
du fenouil entre divers détritus, des vieilles planches, des pneus abandonnés,
une barque retournée qui pourrissait sur place.
J'étais venu à Sasuelo pour voir les Biaggi, qui s'étaient retirés
dans le village quelques années plus tôt, et, jusqu'à présent, je ne m'étais
toujours pas manifesté auprès d'eux, évitant même les parages de leur
maison quand je me promenais dans le village. Le jour de mon arrivée déjà,
j'avais sans cesse repoussé le moment d'aller les trouver, j'étais resté
à l'hôtel sans leur faire signe, sans leur téléphoner. C'était pourtant
pour les voir que je m'étais rendu à Sasuelo --- même si je savais très
bien que les voir m'attristerait et me ferait du mal ---, et, un soir, après
avoir dîner dans la salle à manger de l'hôtel et tandis que mon fils