I. 358
chercher le registre de l'hôtel, que je trouvai sur une étagère, un grand
registre en cuir noir granuleux, que je feuilletai un instant dans le noir,
avant de le poser sur le comptoir pour consulter les dernières pages à la
lueur de mon briquet. Comme je le pensais, car je me souvenais très bien
que lorsque j'étais arrivé à l'hôtel, le patron m'avait certes demandé
mon passeport, mais l'avait à peine ouvert et me l'avait rendu tout de
suite, mon nom n'avait pas été enregistré dans le registre de l'hôtel.
Il ne faisait pas encore jour quand je quittai l'hôtel le lendemain
matin, et l'atmosphère du village était tout emplie d'une fin de nuit
bleutée, avec une lune d'aube très blanche dans le ciel, qui s'inscrivait
au-dessus des lignes régulières que traçaient les fils des poteaux télé-
graphiques. Sur la place du village silencieuse, je remarquai tout de suite
la vieille Mercedes grise que j'avais aperçue la veille dans le jardin
des Biaggi et je m'approchai de la voiture pour examiner un instant
l'intérieur. Les sièges étaient très abîmés, défoncés pratiquement, le
cuir complètement élimé par endroits, et une entaille d'une dizaine de
centimètres qui laissait émerger une sorte de mousse synthétique jaunâtre
crevant en son centre le revêtement du siège du conducteur. Sur la ban-
quette arrière, une veste froissée reposait parmi un désordre de vieux
journaux et de matériel de pêche, de cannes et de palangrottes, de plombs,
de sachets d'hameçons et de bouteiles en plastique. Il avait plu cette
nuit et, tout près de là, sur le sol de la place, je remarquai une grande
flaque d'eau immobile dans la pénombre, qui reflétait faiblement les arbres
et les toits des masons avoisinantes. Un léger souffle de vent la faisait
parfois frissonner et la surface de l'eau était alors parcourue par une
onde de frémissements qui brouillait un instant les reflets. Puis, lentement,
les reflets se recomposaient à la surface, et je me rendis compte qu'au centre
de la flaque miroitait le profil argenté de la vieille Mercedes grise. Autour
du reflet de la voiture, cependant, par je ne sais quel jeu de perspectives
et d'angle mort, il n'y avait aucune trace de ma présence.
Je m'éloignai lentement sur la place, laissant la flaque d'eau derrière
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chercher le registre de l'hôtel, que je trouvai sur une étagère, un grand
registre en cuir noir granuleux, que je feuilletai un instant dans le noir,
avant de le poser sur le comptoir pour consulter les dernières pages à la
lueur de mon briquet. Comme je le pensais, car je me souvenais très bien
que lorsque j'étais arrivé à l'hôtel, le patron m'avait certes demandé
mon passeport, mais l'avait à peine ouvert et me l'avait rendu tout de
suite, mon nom n'avait pas été enregistré dans le registre de l'hôtel.
Il ne faisait pas encore jour quand je quittai l'hôtel le lendemain
matin, et l'atmosphère du village était tout emplie d'une fin de nuit
bleutée, avec une lune d'aube très blanche dans le ciel, qui s'inscrivait
au-dessus des lignes régulières que traçaient les fils des poteaux télé-
graphiques. Sur la place du village silencieuse, je remarquai tout de suite
la vieille Mercedes grise que j'avais aperçue la veille dans le jardin
des Biaggi et je m'approchai de la voiture pour examiner un instant
l'intérieur. Les sièges étaient très abîmés, défoncés pratiquement, le
cuir complètement élimé par endroits, et une entaille d'une dizaine de
centimètres qui laissait émerger une sorte de mousse synthétique jaunâtre
crevant en son centre le revêtement du siège du conducteur. Sur la ban-
quette arrière, une veste froissée reposait parmi un désordre de vieux
journaux et de matériel de pêche, de cannes et de palangrottes, de plombs,
de sachets d'hameçons et de bouteiles en plastique. Il avait plu cette
nuit et, tout près de là, sur le sol de la place, je remarquai une grande
flaque d'eau immobile dans la pénombre, qui reflétait faiblement les arbres
et les toits des masons avoisinantes. Un léger souffle de vent la faisait
parfois frissonner et la surface de l'eau était alors parcourue par une
onde de frémissements qui brouillait un instant les reflets. Puis, lentement,
les reflets se recomposaient à la surface, et je me rendis compte qu'au centre
de la flaque miroitait le profil argenté de la vieille Mercedes grise. Autour
du reflet de la voiture, cependant, par je ne sais quel jeu de perspectives
et d'angle mort, il n'y avait aucune trace de ma présence.
Je m'éloignai lentement sur la place, laissant la flaque d'eau derrière
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chercher le registre de l'hôtel, que je trouvai sur une étagère, un grand
registre en cuir noir granuleux, que je feuilletai un instant dans le noir,
avant de le poser sur le comptoir pour consulter les dernières pages à la
lueur de mon briquet. Comme je le pensais, car je me souvenais très bien
que lorsque j'étais arrivé à l'hôtel, le patron m'avait certes demandé
mon passeport, mais l'avait à peine ouvert et me l'avait rendu tout de
suite, mon nom n'avait pas été enregistré dans le registre de l'hôtel.
Il ne faisait pas encore jour quand je quittai l'hôtel le lendemain
matin, et l'atmosphère du village était tout emplie d'une fin de nuit
bleutée, avec une lune d'aube très blanche dans le ciel, qui s'inscrivait
au-dessus des lignes régulières que traçaient les fils des poteaux télé-
graphiques. Sur la place du village silencieuse, je remarquai tout de suite
la vieille Mercedes grise que j'avais aperçue la veille dans le jardin
des Biaggi et je m'approchai de la voiture pour examiner un instant
l'intérieur. Les sièges étaient très abîmés, défoncés pratiquement, le
cuir complètement élimé par endroits, et une entaille d'une dizaine de
centimètres qui laissait émerger une sorte de mousse synthétique jaunâtre
crevant en son centre le revêtement du siège du conducteur. Sur la ban-
quette arrière, une veste froissée reposait parmi un désordre de vieux
journaux et de matériel de pêche, de cannes et de palangrottes, de plombs,
de sachets d'hameçons et de bouteiles en plastique. Il avait plu cette
nuit et, tout près de là, sur le sol de la place, je remarquai une grande
flaque d'eau immobile dans la pénombre, qui reflétait faiblement les arbres
et les toits des masons avoisinantes. Un léger souffle de vent la faisait
parfois frissonner et la surface de l'eau était alors parcourue par une
onde de frémissements qui brouillait un instant les reflets. Puis, lentement,
les reflets se recomposaient à la surface, et je me rendis compte qu'au centre
de la flaque miroitait le profil argenté de la vieille Mercedes grise. Autour
du reflet de la voiture, cependant, par je ne sais quel jeu de perspectives
et d'angle mort, il n'y avait aucune trace de ma présence.
Je m'éloignai lentement sur la place, laissant la flaque d'eau derrière
I. 358
chercher le registre de l'hôtel, que je trouvai sur une étagère, un grand
registre en cuir noir granuleux, que je feuilletai un instant dans le noir,
avant de le poser sur le comptoir pour consulter les dernières pages à la
lueur de mon briquet. Comme je le pensais, car je me souvenais très bien
que lorsque j'étais arrivé à l'hôtel, le patron m'avait certes demandé
mon passeport, mais l'avait à peine ouvert et me l'avait rendu tout de
suite, mon nom n'avait pas été enregistré dans le registre de l'hôtel.
Il ne faisait pas encore jour quand je quittai l'hôtel le lendemain
matin, et l'atmosphère du village était tout emplie d'une fin de nuit
bleutée, avec une lune d'aube très blanche dans le ciel, qui s'inscrivait
au-dessus des lignes régulières que traçaient les fils des poteaux télé-
graphiques. Sur la place du village silencieuse, je remarquai tout de suite
la vieille Mercedes grise que j'avais aperçue la veille dans le jardin
des Biaggi et je m'approchai de la voiture pour examiner un instant
l'intérieur. Les sièges étaient très abîmés, défoncés pratiquement, le
cuir complètement élimé par endroits, et une entaille d'une dizaine de
centimètres qui laissait émerger une sorte de mousse synthétique jaunâtre
crevant en son centre le revêtement du siège du conducteur. Sur la ban-
quette arrière, une veste froissée reposait parmi un désordre de vieux
journaux et de matériel de pêche, de cannes et de palangrottes, de plombs,
de sachets d'hameçons et de bouteiles en plastique. Il avait plu cette
nuit et, tout près de là, sur le sol de la place, je remarquai une grande
flaque d'eau immobile dans la pénombre, qui reflétait faiblement les arbres
et les toits des masons avoisinantes. Un léger souffle de vent la faisait
parfois frissonner et la surface de l'eau était alors parcourue par une
onde de frémissements qui brouillait un instant les reflets. Puis, lentement,
les reflets se recomposaient à la surface, et je me rendis compte qu'au centre
de la flaque miroitait le profil argenté de la vieille Mercedes grise. Autour
du reflet de la voiture, cependant, par je ne sais quel jeu de perspectives
et d'angle mort, il n'y avait aucune trace de ma présence.
Je m'éloignai lentement sur la place, laissant la flaque d'eau derrière